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jeudi 31 octobre 2013

Qui est le Saint Patron de Munich?

Saint Bennon, par Johann Michael RottmayrAlte Pinakothek de Munich,
avec un poisson et la clef de sa cathédrale
Vous résidez à Munich et ne savez plus à quel saint vous vouer? Tournez-vous donc vers Saint Bennon qui est le saint patron catholique de la ville, et avec un peu de chance...

Vous êtes pêcheur et le poisson ne mord pas, priez Saint Bennon!

Bennon est une francisation de Benno (en latin et en allemand). Il est le patron du diocèse de Dresde-Meissen, du Duché de Bavière (aujourd'hui Etat libre de Bavière) et de la ville de Munich. On le fête le 16 juin, jour anniversaire de son décès.

Saint Bennon est né en 1010 à Hildesheim et mort le 16 juin 1106 à Meissen. Il fut moine dès ses dix-huit ans, en 1028, et ordonné prêtre en 1040. il est ensuite consacré évêque de Meissen en 1066. Il est déposé en 1085 par l'empereur Henri IV pour avoir pris la défense du pape Grégoire VII. Il jette la clef de la cathédrale dans l'Elbe. Des années plus tard, elle aurait été est retrouvée dans le ventre d'un poisson. Cette légende en a fait le saint patron des pêcheurs.
Buste de Saint Bennon dans la chapelle
éponyme (Sankt-Benno Kapelle)
de la cathédrale de Munich (Frauenkirche)

Il meurt au bout de quarante années d'épiscopat. Il est canonisé en 1543 par Adrien VI. Luther se saisit du prétexte de l''exhumation solennelle de sa dépouille en 1542 pour écrire un pamphlet violent contre le culte des saints. Meissen devient protestante, mais la dépouille du saint évêque avait été transportée auparavant à Munich pour lui éviter d'être détruite. Elle est toujours aujourd'hui vénérée en la cathédrale Notre-Dame de Munich (die Frauenkirche).

Une église de la place Ferdinand-Miller est également placée sous sa protection.

File:St. Benno (München).jpg
Eglise Sankt Benno à Neuhausen
(Photo Fukurama)

mercredi 30 octobre 2013

Munich/Neuhausen: les installations de Wolfram P.Kastner rappellent la Shoah



L'artiste munichois Wolfram P. Kastner a installé une série de valises blanches à divers endroits du quartier de Neuhausen à Munich pour que la mémoire de la Shoah reste vivante et que l'on n'oublie jamais les atrocités du passé nazi. Des valises blanches étiquetées au nom de citoyens juifs assassinés ou déportés vers les camps de la mort sont placées devant les maisons où ils avaient résidé. Des photos et des panneaux explicatifs évoquent leur biographie jusqu'au moment où ils furent arrachés de leurs maisons pour être déportés. Cinq installations sont ainsi visibles à Neuhausen. Le projet est intitulé Hier wohnte... (Ici habitait).

Les installations resteront en place jusqu'au 20 novembre aux adresses suivantes:

Frundsbergstraße 8
Volkartstraße
Rotkreuzplatz 2
Ruffinistraße 23 et au coin de Jagdstraße 8 et de Renatastraße 48

L'artiste, Wolfram P. Kastner

Wolfram KastnerNé en 1947 à Munich, l'artiste Wolfram Kastner est connu pour ses actions publiques parfois provocatrices qui rappellent de manière critique le passé munichois le plus sombre. Plusieurs de ses œuvres ont pour objet des questions historiques et politiques, souvent en référence au national-socialisme. Sa production artistique englobe de nombreuses formes d'expression, y compris la peinture, la photographie, l'installation, l'objet et l'art de la performance. 

Son projet de sculpture (ci-dessous), que l'artiste décrit comme "un symbole politique de l'histoire du national-socialisme" a été retenu pour être installé devant le futur Centre de documentation du national-socialisme qui est en cours de construction à la rue Brienner, près de la Place Royale, et dont l'inauguration est prévue fin 2014.

Projet de sculpture pour le Centre de documentation NS

Photos de l'installation sur la Place de la Croix-Rouge à Neuhausen (Rotkreuzplatz)
 
 
 
 
Crédit photographique pour les photos de l'installation: Luc Roger

mardi 29 octobre 2013

Le Musée paléontologique et l'Archaeopteryx

Situé près de la Place royale (Königsplatz) dans la rue Richard Wagner, le Musée paléontologique de Munich expose d'impressionnants squelettes qui témoignent  de l'évolution des vertébrés. En plus des grands squelettes de dinosaures bavarois, il présente des reptiles du temps des dinosaures comme les ptérosaures ou les  ichtyosaures ainsi que des mammifères aujourd'hui disparus. 

Gomphoterium

On pourra notamment y examiner  le squelette du célèbre éléphant ancien de Mühldorf: un squelette complet de Gomphotherium trouvé en 1971 dans le sable du bord de l'Inn, au sud de Mühldorf. Son âge a été estimé à environ 10 millions d'années. Il s'agit d'un mâle d'environ 50 ans. On a appelé l'animal Mühldorfer Urelefant, l'éléphant ancien de Mühldorf. On pourra également y voir  divers représentants de l'ère glaciaire, tels que le tigre à dents de sabre, l'ours des cavernes et des cerfs géants. 

File:Archaeopteryx bavarica Detail.jpg
Archaeopteryx bavarica, photo prise par Luidger en 2005

Parmi les pièces les plus fameuses du Musée paléontologique de Munich figurent aussi l'Archaeopteryx de Munich (photo ci-dessus) et le Compsognathus, le plus petit dinosaure Bavière.

Paläontologisches Museum München
Richard-Wagner-Str. 10
München

Du lundi au jeudi de 10 à 16 heures
Le vendredi de 10 à 14 heures
et le premier dimanche de chaque mois de 10 à 16 heures

lundi 28 octobre 2013

Julio Mirón dirigera Mozart et Schubert le 8 décembre à la Maison des Artistes de la Lenbachplatz

Frühjahrskonzert

Julio Mirón dirigera l'orchestre et les choeurs du Münchner-Sänger-Zunft qui exécuteront des oeuvres de Mozart et de Schubert le 8 décembre à 19 heures à la Maison des Artistes de la Place Lenbach à Munich (Küntslerhaus/Lenbachplatz).

2013.12.08_Konzertplakat_kAu programme

Mozart

La symphonie n° 31
Le concerto n°5 pour violon, avec Hermina Szabó en soliste

Schubert

La messe n°5

Réservations

par tél 089/52309155 ou à la caisse le soir de la représentation
Les places sont à 25 euros/ étudiants 18 euros.

Château de Schleissheim (photos)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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samedi 26 octobre 2013

La Semele de Haendel traverse brillamment le ciel munichois au Théâtre Cuvilliés

Holger Ohlmann (Cadmus), Jennifer O'Loughlin  (Semele), Franco Fagioli (Athamas), Ann-Katrin Naidu (Ino)
Munich est en mal de baroque et le Theater-am-Gärtnerplatz, dont ce n'est cependant pas la vocation première, vient opportunément occuper une niche béante, ce répertoire brillant par son absence à l'Opéra d'Etat de Bavière. Et comme le siège du Gärtnerplatztheater est fermé pour restauration, l'admirable bonbonnière rococo qu'est le Théâtre Cuvilliés s'imposait tout naturellement pour y produire l'opéra-oratorio Semele de Haendel. Le public munichois s'y est rendu comme un seul homme, avec pour résultat qu'on y joue à guichets fermés, le joyau conçu pour la Cour du Prince Electeur de Bavière étant trop petit pour répondre à la demande.

La production du Theater-am-Gärtnerplatz a parfaitement répondu aux attentes: la direction musicale de Marco Comin, la complicité de l'orchestre et des choeurs, la mise en scène de Karoline Gruber et un plateau bien distribué ont contribué à un spectacle des plus réussis pour la plus grande joie des spectateurs ravis d'en être. 

A tout Seigneur tout honneur, Marco Comin donne une direction d'orchestre d'une sensibilité exquise avec une attention dans le soutien apporté aux chanteurs et une balance exacte entre l'orchestre, les solistes et les choeurs. Il a un sens raffiné de l'esthétique baroque et de l'expressivité ornementale et souligne avec bonheur les aspects italiens d'une partition qu'il parvient à rendre extrêmement vivante. La proximité de l'orchestre et de la salle permet d'observer la précision soutenue du doigté du chef d'orchestre. Il y a de la poésie dans le langage de ces mains qui travaillent avec une délicatesse, toute en nuance et en précision. Avec Comin, la musique de Haendel devient une fête jubilatoire. Il crée un écrin musical aussi réussi qui vient en plein soutien du travail des solistes. La préparation des choeurs par Jörn Hinnerk Andresen participe de la même qualité, les parties chorales sont un régal tout au long de la soirée. 

Karoline Gruber adopte un langage scénique qui souligne la folie amoureuse d'une Semele qui court à sa perte en suivant les commandements de son hubris (ὕϐρις ) démesurée. Jupiter en devient plus humain que la mortelle qui jamais ne jouit de son bonheur mais se détruit en en voulant toujours davantage. Karoline Gruber voit davantage de Thanathos que d'Eros dans la fille de Cadmus et concrétise sa vision en introduisant la mort dès le décor du premier acte. Elle place l'action au XIXème siècle, cela a pour effet d'embourgeoiser l'opéra, l'hubris de Semele relève dès lors davantage de la folie neurotique que d'un défi lancé aux dieux. Lors du premier acte, un mariage collectif est organisé à la cour du Roi Cadmus, les choristes ont tous revêtu qui des robes et des voiles de mariées qui des fracs et des hauts-de-forme. Mais si les mariés se croient à la fête, la cérémonie se déroule dans un cadre sinistre qui présage du drame à venir: le mur de fond de scène est tout entier occupé par un columbarium devant lequel se déroule la cérémonie du mariage. Lorsque Semele refuse d'épouser Athamas et invoque Jupiter, un grand papillon coloré apparaît dans l'ouverture d'une des dalles du mur qui s'est descellée, comme la réponse du dieu à la femme qui l'aime, un second papillon plus grand encore traverse la scène, puis le mur s'entrouvre et Semele y disparaît. S'avancer vers l'Olympe, franchir la paroi du columbarium, c'est pour Semele faire un premier pas vers sa mort.

Photo
Des montgolfières traversent le ciel munichois
Le monde des dieux apparaît comme l'envers du décor de celui des humains par la grâce du plateau tournant. Des papillons géants continueront de traverser la scène, colorés et joyeux comme les amours jupitériennes qu'ils évoquent. Junon apparaît alors au sommet de son corps divin, en papillon de nuit géant sur lequel viennent se projeter des dessins de scènes de séduction tels que la fin du 19ème siècle a pu se les représenter, courtisanes au bain, ou, clin d'oeil munichois, le voluptueux faune alangui de la glyptothèque avec un papillon en guise de cache-sexe. Ce sont là les fantasmes douloureux et courroucés de la déesse suprême, blessée par les frasques incessantes d'un mari par trop volage, qui viennent s'imprimer sur les ailes de Junon, le lourd fardeau d'une femme trompée qui préparera bientôt sa vengeance. Jupiter essaye de combler l'insatiable Semele par des parures appréciées des dames qui descendent du ciel comme pour un défilé de haute couture. Il fait venir Ino pour donner compagnie à Semele, ce qui est l'occasion d'un voyage céleste dans un ciel cotonneux plein d'humour que Karoline Gruber situe au-dessus du sommet des tours de la Frauenkirche, la cathédrale emblématique de la ville de Munich. Un humour iconoclaste: un des bulbes d'une des tours de l'église Notre-Dame s'ouvre comme un bar de salon où viennent se servir les habitants célestes. Des montgolfières chargées de choristes traversent ce nouvel Olympe, un moment de douceur souriante et de répit au  coeur du sombre drame de Semele. Bientôt se succéderont des images plus inquiétantes dans le monde des mortels: les dalles du columbarium se sont descellées pour dévoiler un charnier chaotique avec des membres épars couverts d'oripeaux de mariés et de mariées: l'homme baroque est un être-pour-la-mort. Alors que les humains meurent ou que les couples à peine unis se séparent, Junon accompagnée d'Iris vont réveiller un sinistre Somnus, travesti en un gothique Edward Scissorhands qui sera chargé d'endormir les dragons gardiens du séjour de Semele ainsi que Jupiter. Semele verra défiler les différents âges de sa vie dans un miroir présenté comme un théâtre dans le théâtre. Le décorateur Roy Spahn a reproduit le cadre de scène rouge et or du théâtre Cuvilliés: Semele se mire dans ce miroir et des figurantes vêtues à l'identique de la protagoniste viennent figurer les différents âges de sa vie jusqu'à la vision ultime de son urne funéraire. Mais ni les avertissements d'un Jupiter désolé, ni les présages n'y feront rien: Semele exige du dieu qu'il lui apparaisse sous sa forme divine, et mourra foudroyée dès que le dieu, tenu par le serment qu'elle lui a arraché sous le conseil de Junon, se révèle tel qu'en lui-même. Le final reprend la scène de l'ouverture: un public de mariés célèbre le mariage d'Athamas et d'Ino, dont l'amour persévérant a triomphé.

Photo
Le théâtre dans le théâtre: Semele et les étapes de sa vie,
Jupiter porteur de l'urne funéraire
Semele est interprétée par Jennifer O'Loughlin qui incarne avec force ce rôle qui exige de l'endurance, et parvient encore à se surpasser dans son aria final avec des aigus puissants et réussis. Une belle prestation, même si ses vocalises manquent souvent de précision avec des notes qui parfois se chevauchent. L'Athamas de Franco Fagioli est très remarqué au premier acte: le contre-ténor donne un grand numéro de bravoure baroque qui recueille des applaudissements spontanés, avec des basses étonnantes, mais sa prestation d'artiste vedette reste un peu isolée au sein d'une distribution moins rompue aux prouesses du chant baroque. Ferdinand von Bohmer assure un Jupiter de bonne qualité, de même qu'Adrineh Simonian en Junon.  L'Ino d' Ann-Katrin Nadu le Cadmus d'Holger Ohlmann sont également de fort belle tenue. La basse István Kovács est remarquable en Somnus, c'est une des révélations de la soirée, avec un phrasé magnifique et un chant très habité.

Une production du Theater-am-Gärtnerplatz au Théâtre Cuvilliés de Munich jusqu'au 7 novembre 2013.

Crédit photographique: Thomas Dashuber

mardi 22 octobre 2013

Expo Micromega: l'Atlas de Gerhard Richter au Kunstbau à Munich

Gerhard Richter, Atlas, Planche 3

Au début des années 1960 , Gerhard Richter commence à rassembler pour son Atlas des milliers de photographies , des coupures de journaux , des croquis et des collages, qu'il groupe selon des critères formels et de contenu . Il procède par regroupement de blocs d'images. Certains motifs ont servi de sources pour ses peintures et d'autres œuvres , mais beaucoup sont aussi restés à l'état d'idées latentes. 
D'autres panneaux permettent de percevoir comment Richter, dans des esquisses et des collages créés à partir de 1971 conçoit des espaces visionnaires qui vont croître virtuellement au-delà de toute mesureCes projets montrent que l'intérêt de l'artiste dépasse la peinture individuelle pour se diriger vers des dessins tridimensionnels visionnaires et le positionnement des images dans l'espace. Le visiteur de l'exposition, en examinant l'Atlas, se trouve entraîné à comprendre et à réfléchir sur le processus créatif de l'artiste, il se trouve au coeur de la genèse de l'oeuvre d'un des plus grands artistes allemands contemporains. Il y percevra l'aspect systématique, méticuleux et méthodique du travail de l'artiste, avec un tel souci de la perfection dans la présentation des blocs de vignette qu'il peut sembler relever d'une forme d'excès: l'exubérance des milliers d'images présentées est contenue, complètement maîtrisée et parfaitement canalisée par la méticulosité formelle de leur ordonnancement.

Gerhard Richter, Atlas, Planche 9

L'Atlas est divisé en sections regroupées autour de motifs richement variés. Depuis les années 1970 , les panneaux de l'Atlas ont été exposés à plusieurs reprises: Richter les a personnellement arrangés dans des formats muraux aux formes adaptées à la situation architecturale donnée. Ainsi, les photographies sont-elles regroupées selon des motifs variés: des nuages, des ciels, des villes, des paysages, des montagnes, la famille, l'holocauste, et d'autres encore.

Le titre MICROMEGA (du grec petit/grand) est destiné à exprimer cet aspect remarquable de l'Atlas: chacun de ces panneaux constitue en soi une oeuvre d'art, comme autrefois chacun des croquis ou des dessins d'un carnet de croquis d'un peintre pouvait être aussi considéré comme une oeuvre d'art, et à la fois la préparation d'un plus grand format. L'intitulé de l'exposition MICROMEGA se réfère à  au conte éponyme de Voltaire Micromégas, un conte philosophique publié en 1752, qui spécule sur les dimensions relatives de la réalité. On se retrouve ici à un moment clé de la gestation des oeuvres de Richter: on perçoit le génie créateur en action dans l'agencement très ordonné du foisonnement des impressions visuelles qu'il a décidé de capter par la photographie ou le dessin, par les choix du collage. Les petits formats deviennent de grands ensembles ordonnés, et certains d'entre eux serviront à la conception d'oeuvres de grand ou de très grand format.

L'exposition se concentre sur des visions de l'espace que Gerhard Richter articule dans les planches de son ATLAS . Certaines d'entre elles, comme les groupes de travaux sur les Jeux olympiques de 1972 , ceux consacrés au Reichstag(1997) ou encore les vitraux de Cathédrale(2006) n'ont jamais été présentés au public . Ils illustrent les stratégies artistiques que Richter emploie pour se frayer un chemin jusqu'à des dimensions parfois énormes. Une technique non moins importante est le transfert de ses créations dans d'autres médias qui échappent à la saisie immédiate du peintre : ainsi des tapisseries jacquard et des collages de bandes de couleur ou encore une grande sculpture composée de dix panneaux de verre. Plusieurs modèles, également exposés pour la première fois, permettent de visualiser les projets de Richter pour des sculptures de plaques de verres. D'autres modèles suggèrent les visions de l'artiste pour les espaces d'exposition.

La Lenbachhaus a pu acquérir l'ATLAS en 1996, il comportait alors 583 panneaux. Il n'a cessé de croître au cours des années écoulées et en comporte désormais 783. Avec le dernier ajout de 16 plaques, Richter vient de compléter l' ATLAS.

Cette exposition est la centième exposition des oeuvres de Gerhard Richter pour la seule ville de Munich.

Jusqu'au 9 février au Kunstbau de la Lenbachhaus à Munich.

lundi 21 octobre 2013

A Munich, Louis II de Bavière chantera Sarastro dans la Flûte enchantée de Mozart



Une curieuse affiche a fait récemment son apparition sur les colonnes Morris munichoises. On y voit le Roi Louis II de Bavière en grand costume de couronnement se détacher sur fond de son château d'Herrenchiemsee et d'une immense pleine lune. L'image du Roi préféré des Bavarois est utilisée pour promouvoir un opéra mis en scène et dirigé par le chef d'orchestre Enoch zu Guttenberg, la Flûte enchantée de Mozart, qui sera jouée du 3 au 9 novembre au Prinzregententheater de Munich.

Qu'est-ce que ce le plus grand des wagnériens a à voir avec l'opéra de Mozart? 

Mozart: Die Zauberflöte
Enoch zu Guttenberg
Il s'agit d'une idée du très aristocrate chef d'orchestre et metteur en scène Enoch zu Guttenberg qui a produit une Flûte enchantée réécrite pour l'édition 2010 du festival d'Herrenchiemsee. Il est parti d'une idée à l'originalité iconoclaste: Louis II de Bavière, sa famille et son entourage décident de monter une Flûte enchantée et s'en attribuent les principaux rôles. Le Roi  de Bavière sera Sarastro, Bismarck Monostatos,  l'Empereur François Joseph Ier Tamino, la Grande Duchesse Sophie d'Autriche la Reine de la Nuit, Sissi en Pamina, le Duc Max en Bavière Papageno, Lilla von Bulyovsky Papagena. Il s'agit d'une forme de théâtre dans le théâtre, un acteur représentant également le vieux Schikaneder vient constamment remettre les pendules à l'heure, critiquer toute la production, restituer la réalité historique et ajouter un grain de sel politique propre au Regietheater allemand.

Distribution

Mise en scène et direction musicale: Enoch zu Guttenberg
Tareq Nazmi, Sarastro / König Ludwig II
Jörg Dürmüller, Tamino / Kaiser Franz Joseph I.
Antje Bitterlich, Königin der Nacht / Erzherzogin Sophie von Österreich
Susanne Bernhard, Pamina / Kaiserin Elisabeth
Gerd Anthoff, Papageno
Moritz Gogg, Papageno II / Max Emanuel Herzog in Bayern
Gudrun Sidonie Otto, Papagena / Lilla v. Bulyovszky
Martin Petzold, Monostatos / Fürst Bismarck
Drei Knaben: enfants du Tölzer Kanbenchor

Tickets et infos en allemand

Cliquer ici

Mozart: Die Zauberflöte

dimanche 20 octobre 2013

Un triomphe pour Le songe d'une nuit d'été de John Neumeier au Théâtre national

Le monde des elfes
Durant la dernière décennie, le célèbre chorégraphe américain John Neumeier qui préside aux destinées du ballet de Hambourg a profondément  retravaillé sa chorégraphie de son Songe d'une nuit d'été. A Munich, il en présente la dernière version, ce qui en fait de fait une première pour la saison du Ballet d'Etat bavarois, dont le thème de l'année est "Dance in Germany".

Neumeier a créé ce ballet au thème shakespearien en 1977, c'est un chef-d'œuvre du ballet narratif classique, typique des chorégraphies allemandes des années 70. Pour ce ballet Neumeier a opté pour trois registres musicaux différents qui correspondent chacun à l'un des trois mondes auxquels appartiennent les personnages représentés: les milieux de l'aristocratie grecque antique évoluent dans le majestueux cadre sonore de la musique du Songe d'une nuit d'été de  Felix Mendelssohn, pour le monde féérique du Roi des Elfes et de son épouse Titiana il fait appel aux sons d'orgues surnaturels et aux harmonies de György Ligeti, et  pour les scènes populaires et burlesques des braves artisans qui décident de monter un spectacle pour célébrer le mariage du couple royal il opte pour de désopilantes paraphrases d'airs d'opéra, extraits notamment de la Traviata,  produits par un orgue de Barbarie . Ces trois mondes avec leurs trois registres musicaux sont encore différenciés par les décors et les costumes du grand artiste qu'est Jürgen Rose. Rose a utilisé des moyens simples et efficaces pour différencier les trois mondes: des costumes et un décor Empire pour les aristocrates, avec un grand rideau de fond d'un bleu et or, et un récamier pour le rêve d'Hippolyte, la reine des Amazones qui va bientôt épouser Thésée; des collants aux brillances scintillantes pour les elfes avec un jeu de bosquets d'oliviers mobiles aux reflets surnaturels encore accentués par des productions de nappes de fumées; des costumes grotesques de contes de fées pour les acteurs-artisans.

Lucia Lacarra et Marlon Dino
Si Neumeier a quelque peu réécrit la comédie de Shakespeare en rendant l'action plus lisible, le nombre de protagonistes reste impressionnant et la distribution fait appel pour les diverses soirées de représentation à presque tous les solistes et aux principaux danseurs de Bayerisches Staatsballett.

C'est ainsi qu'à la première du 13 octobre, le public munichois a pu applaudir Lucia Lacarra ( Hippolyte / Titania ) , Marlon Dino ( Thésée / Oberon ) (photo ci-contre), Lukas Slavicky ( Puck ), Lisa Maree - Cullum ( Hélène) , Javier Amo ( Démétrius ) , Daria Sukhorukova ( Hermia ) , Maxim Chashchegorov ( Lysandre ) et Cyril Pierre (le tisserand) dans les rôles principaux. La plupart d'entre eux y faisaient des prises de rôle, avec un temps de répétition fort court en ce début de saison, dû aux impératifs de la programmation du Théâtre national. La perfection de leurs performances n'en ont été que plus louables et remarquées.

Lors de représentations ultérieures, on a pu  applaudir l'incomparable Ekaterina Petina, l'étoile russe du Mariinsky, en Hippollyte, avec pour partenaire Tigran Mikayelyan, et admirer Ilia Sarkisov en Puck/Maître des cérémonies, qui donne une prestation à couper le souffle, presque à la limite de l'humainement possible. L'Hélène de Katherina Markowskaja, le Demetrius de Karen Azatyan ainsi que le tisserand de Norbert Graf, inénarrable de drôlerie, ont rencontré un énorme succès.

Toutes ces représentations se terminent par les trépignements et les applaudissements nourris d'un public reconnaissant qui donne à chaque fois une standing ovation aux danseurs. La direction musicale de Michael Schmidtsdorff et  l'excellence de l'Orchestre d'Etat de Bavière reçoivent le même accueil.

Encore deux représentations pour cette année: les 23 et 26 octobre (quelques places restantes).
Cliquer ici pour les réservations.

Crédit photographique: Wilfried Hösl

Pour voir le trailer: cliquer sur 

samedi 19 octobre 2013

Le Festival Richard Strauss 2014 à Garmisch célébrera le 150ème anniversaire du compositeur



„Happy Birthday, Mr. Strauss!“ Pour le cent cinquantième anniversaire de la naissance du compositeur, la Directrice artistique du festival, la Kammersängerin Brigitte Fassbaender, a prévu un programme d'exception.

Brigitte Fassbaender
Le budget du festival est en augmentation, un demi million d'euros sont prévus pour l'édition 2014. Mais si ce chiffre peut paraître important, les professionnels de la musique classique savent qu'une telle somme n'offre que des possibilités relativement limitées. Et c'est là qu'avec sa passion, sa générosité et son engagement, Brigitte Fassbaender  parvient à réaliser de véritables miracles. Pendant les neuf jours du festival on aura l'occasion d'entendre un opéra rarement joué, L'Amour de Danaé, l'avant-dernier opéra du compositeur, qu'interprétera l'Opéra de Francfort en version concertante avec la participation d'Anne Schwanemils. L'orchestre radiophonique symphonique de Prague interprétera la Symphonie alpestre, l'Orchestre philharmonique de Bruxelles donnera le poème symphonique Mort et transfiguration et la fameux Ainsi parlait Zarathoustra. Le  Münchner Rundfunkorchester et le Bamberger Symphoniker seront aussi de la partie. Pour la première fois, un concert d'orgue sera donné dans le cadre du festival en l'église Maria Himmelfahrt. 

Plusieurs soirées de Lieder sont également au programme et Brigitte Fassbaender prépare un coffret de Cds de l'ensemble des Lieder du compositeur qu'elle fera enregistrer pendant tout le mois de novembre avec la contribution de nombreux chanteurs et chanteuses straussiens venus du monde entier. Le coffret sera présenté pour la première fois au public dans le cadre du Festival.

Christa Ludwig participera à un entretien artistique public avec Brigitte Fassbaender et on aura aussi l'occasion d'assister à des classes de maîtrise données par la Kammersängerin, dont la réputation d'excellente pédagogue n'est plus affaire, une occasion unique d'approcher la technique du chant straussien.

Dans la ville, on pourra voir une exposition itinérante préparée par la Fondation Richard Strauss ainsi qu'assister à un parcours de ville sur les traces du compositeur animé par des comédiens.

Alors, à Garmisch en juin? Bon anniversaire, Monsieur Strauss!

On peut télécharger le programme complet du festival sur le site du Festival Richard Strauss (cliquer ensuite sur Programmheft). 

jeudi 17 octobre 2013

Semele de Haendel au Cuvilliés: un opéra baroque dans un joyau rococo

Les bons dieux meurent aussi

Excellente nouvelle pour les amateurs d'opéra baroque: le Theater-am-Gärtnerplatz a confié la mise en scène de l'opéra Semele de Georg Friedrich Haendel à Karoline Gruber, une metteure en scène qui apprécie particulièrement l'opéra baroque. La direction musicale est confiée à Marco Comin. L'opéra sera joué dans le cadre particulièrement adapté du théâtre Cuvilliés jouxtant la Résidence de Munich, un lieu quasi contemporain de l'opéra: la construction du théâtre fut achevée en 1753, soit dix ans après la présentation de Semele au public londonien.

Haendel a écrit Semele pour la chanteuse française Elisabeth Duparc, dont le Théâtre de la Gärtnerplatz parle comme de la Marlene Dietrich du 18e Siècle. L'intrigue est basée sur le mythe de Semele issu des "Métamorphoses" d'Ovide. William Congreve s'était déjà basé sur ce texte dès 1707 pour en tirer un livret. Au moment où Haendel compose Semele, Londres s'engoue surtout pour le genre de l'oratorio, et c'est sous cette forme que Haendel compose son opéra.

Distribution 

Jupiter    Ferdinand von Bothmer / Adrian Strooper
Cadmus  Holger Ohlmann
Athamas Franco Fagioli / Xavier Sabata
Somnus  István Kovács
Apollo   Juan Carlos Falcón
Juno       Adrineh Simonian
Iris         Elaine Ortiz Arandes
Semele   Jennifer O' Loughlin
Ino         Ann-Katrin Naidu

Du 24 octobre au 7 novembre. Cela se joue quasi à guichets fermés, mais on peut toujours tenter sa chance: cliquer ici pour les réservations en ligne.


mercredi 16 octobre 2013

Cérémonie commémorative à la mémoire des victimes homosexuelles du nazisme le 20 octobre à Munich

Le 20 Octobre 1934 a eu lieu la première grande vague de répression anti-gay par les nazis à Munich. C'est là que commença la persécution systématique des homosexuels par les nazis : beaucoup d'hommes et de femmes ont été victimes de discrimination en raison de leur identité sexuelle , emprisonnés , battus et même tués . Le jour anniversaire de l'arrestation le Forum homosexualité et la Rosa Liste (liste LGBT munichoise pour les municipales) vous invitent à une cérémonie de commémoration des nombreuses victimes du régime nazi , mais aussi à la mémoire de tous ceux et celles qui ont ensuite été poursuivis jusqu'en 1969 , en vertu du § 175.
Après la cérémonie commémorative, qui aura lieu comme d'habitude à l'Oberanger (au coin de la Dultstraße), une procession aux bougies emmènera les participants vers le SUB, le centre communautaire gay de Munich. Pour terminer, Ulla-Britta Vollhardt ( du centre de documentation NS) et Albert Knolls (du Forum Homosexualiät ) évoqueront au SUB des biographies de victimes de la persécution gay  et parlerons également du refus de l' indemnisation des victimes homosexuelles du nazisme.

Date: 20 Octobre 2013 à 19H à l'Oberanger/ Dultstraße .
Organisateurs: Forum Homosexualiät et Rosa Liste

mardi 15 octobre 2013

Cardillac de Hindemith par le Münchner Rundfunkorchester, un compte-rendu

Le Münchner Rundfunkorchester offre plusieurs fois par an la possibilité de découvrir des oeuvres plus rarement jouées, et ce à un large public puisqu'elles sont radiodiffusées en direct. A l'occasion de Cardillac, les organisateurs ont pour la première fois tenté le live-streaming. On peut toujours en voir la vidéo en cliquant ici.

Paul Hindemith
Paul Hindemith
Le chef Stefan Soltesz a relevé un défi d'importance en abordant une oeuvre hors répertoire qu'il n'avait jamais dirigée, avec un orchestre et des choeurs qui ne l'avaient pas davantage pratiquée. Il en allait de même de la plupart des solistes, à l'exception de Julian Banse qui avait déjà chanté la fille de Cardillac, un rôle qu'elle apprécie beaucoup. Si Stefan Soltesz est familier du répertoire classique moderne, il s'avançait ici en terre inconnue, avec un nombre de répétitions limité. Sur le plan musical, ce fut une belle réussite, sa direction musicale a su restituer la modernité de cette oeuvre d'écoute plutôt difficile, dans l'esprit des années 20. C'est une de ces oeuvres qu'il est plus facile d'apprécier en assistant au concert qu'à la simple écoute, la voir exécuter permet d'en apprécier plus aisément la construction et les mouvements.

Si l'Orchestre radiophonique de Munich et le choeur philarmonique de Prague en ont donné une interprétation remarquable, le bémol est venu des froidures précoces qui ont touché deux des rôles principaux. Julian Banse, souffrante depuis une semaine, a cependant voulu chanter la fille de Cardillac, et on a pu apprécier le professionnalisme de la chanteuse qui a su malgré cet handicap rendre l'intensité du rôle. Ce fut moins le cas de Markus Eiche, qui paraissait lui aussi affecté d'un refroidissement et qui a donné un Cardillac sans folie, et beaucoup trop lisse, alors que la démence diabolique de ce personnage pygmalionesque qui tue pour récupérer ses créations et les préfère à sa propre fille est centrale dans la conception de l'oeuvre. La puissance et l'excellence de l'interprétation du ténor Matthias Klink dans le rôle de l'officier n'a pu compenser la faiblesse du rôle principal. Un très beau plateau était annoncé, le mauvais temps était malheureusement de la partie.

La soirée a recueilli un beau succès d'estime avec un public d'amateurs reconnaissants d'avoir pu entendre cette oeuvre rarement jouée, donnée par un des meilleurs orchestres munichois mené par une baguette des plus expertes.

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lundi 14 octobre 2013

Un Français au Concours ARD 2013 de Munich: entretien avec Tristan Cornut, le violoncelliste du Trio Stephan Zweig

Le Trio Stephan Zweig est arrivé en demi-finale du prestigieux Concours international de musique ARD 2013. Tristan Cornut, le violoncelliste du trio, a accepté de répondre à quelques questions. C'est la deuxième fois que Tristan Cornut participe au Concours ARD: il y avait déjà concouru dans la catégorie violoncelle en 2010 et y avait décroché le troisième prix ainsi que deux prix spéciaux.

Comment votre trio s'est-il constitué? 

T.C.: Notre trio s’est constitué il y a exactement un an. Mes deux collègues, Kei Shirai et Sibilia Konstantinova, se sont connus à l’Université de Vienne où ils ont tous deux étudiés et ont eu l’occasion de jouer ponctuellement ensemble. J’ai fait la rencontre de notre violoniste, Kei Shirai, il y a de cela un an et demi. Nous avons tous deux été lauréats du concours de l’ARD de Munich dans nos disciplines individuelles respectives et c’est suite à une série de concerts organisés par le concours réunissant différents lauréats que nous avons décidé de fonder ce groupe.

Le trio Stephan Zweig

Votre trio est international, basé à Vienne, quelle est votre langue de communication?

T.C.:Nous communiquons en allemand. Mes deux collègues ayant étudié à Vienne et moi-même en Allemagne, cela s’est imposé de manière naturelle. Le fait que l’allemand ne soit la langue maternelle d’aucun d’entre nous présente parfois certaines difficultés, mais cela a d’une certaine façon l’avantage de nous mettre sur un pied d’égalité. De plus, c’est la langue de nombreux grands compositeurs et la majeure partie du répertoire pour trio avec piano est issue de la culture germanique.

Vous vivez à Paris, le trio se réunit à Vienne, cela représente-t-il une difficulté?

T.C.: Cela présente bien entendu des difficultés pratiques car nous ne pouvons pas nous voir aussi régulièrement que nous le souhaiterions. Mais cela a tout de même un avantage: lorsque nous nous voyons, nous répétons de manière intensive pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, et le fait de nous savoir limités dans le temps favorise la qualité et l’efficacité du travail.

Vous avez baptisé votre trio du nom de Stefan Zweig, un Viennois réputé qui fit partie de la fine fleur de l'intelligentsia juive de la capitale autrichienne? Que représente ce nom? Pourquoi avez-vous placé votre trio sous le patronage de Stefan Zweig? Est-ce en raison de la passion quasi viscérale de Zweig pour la musique?

T.C.: Vous avez assez bien résumé les deux points fondamentaux qui nous ont conduits à choisir ce nom: d’une part Zweig était viennois et un illustre représentant de la tradition intellectuelle et artistique liée à cette ville où nous sommes nous-mêmes basés. Par ailleurs, et c’est l’aspect le plus important, sa passion pour la musique l’a conduit à fréquenter de nombreux musiciens illustres de son temps, parmi lesquels Schönberg, Busoni ou Toscanini. Il a par ailleurs écrit un livret pour l’opéra de Richard Strauss, La Femme silencieuse. Lorsque nous abordons une pièce, nous essayons de la comprendre comme on comprend une langue, et nous la considérons toujours comme le reflet d’une culture englobant non seulement une tradition musicale, mais également les arts en général et la littérature, les modes de vie, etc. qui lui sont propres. C’est pourquoi il nous a semblé naturel de nous tourné vers un écrivain au moment de choisir notre nom.

Pourquoi vous être présentés au Concours international de l'ARD? Dans votre discipline, quelle est l'importance de ce concours au niveau international? A quels autres concours peut-il être comparé?

T.C.: Le concours de l’ARD est sans conteste le plus important dans notre discipline, le trio avec piano. Cela tient d’une part à la longue tradition de ce concours et d’autre part au fait que chaque instrument ou formation y est représenté à tour de rôle au fil des ans. Cela en fait une référence auprès de tous les musiciens et lui donne une résonance particulière. Il n’y a à ma connaissance aucun autre concours qui puisse lui être comparé, même si il en existe bien sûr d’autres de qualité

Votre trio a-t-il déjà participé à d'autres compétitions?  D'autres compétitions sont-elles par ailleurs prévues?

T.C.: Ce concours était notre première expérience de ce type. Notre groupe s’est constitué il y a peu de temps, c’est pourquoi nous n’avons jusqu’à présent pas eu l’occasion de le faire plus tôt. Nous réfléchissons à une participation à d’autres concours car cela peut beaucoup apporter, mais les grands concours de trio avec piano sont rares.

Quelle stimulation apporte la participation à un tel concours? Relever ce type de défi nourrit-il votre travail de musiciens?


T.C.: Un concours de cette importance apporte indéniablement une grande motivation car il exige de préparer un programme exigeant et très varié (10 œuvres représentant quatre heures de musique dans le cas de l’ARD). De plus, les retombées en termes d’engagements d’un prix dans un tel concours sont importantes et permettent de se faire connaître et de nouer de nombreux contacts. Enfin, la perspective de jouer pour un jury exigeant et de grande qualité tel que celui présent à Munich constitue une grande source de motivation. En revanche, une telle situation présente certains écueils et il me semble primordial de chercher à proposer une interprétation originale et personnelle de chaque œuvre plutôt que de vouloir plaire à tout le monde.

Vous êtes parvenus aujourd'hui en demi-finale. Vous avez conquis le public dans l'interprétation des trois oeuvres présentées et avez recueilli un énorme succès, les applaudissements ont été extrêmement nourris, on a entendu des trépignements enthousiastes et les bravi ont fusé de toutes parts. Quelles sont selon vous les clés d'un tel succès? Quels sont les éléments qui font la réussite d'une interprétation d'une oeuvre pour trio avec piano? Quelle est l'originalité, la spécificité de votre trio?

T.C.: C’est quelque chose qu’il est difficile d’évaluer. En premier lieu car le jugement de la qualité d’une interprétation est en lui-même difficile à porter et sujet à beaucoup de subjectivité, en particulier en musique de chambre où beaucoup d’aspects entrent en jeu. Il peut même arriver dans notre groupe (et c’est le cas pour beaucoup d’autres) que l’un des membres soit satisfait d’une prestation tandis que les autres peuvent avoir un ressenti opposé. En ce qui nous concerne, nous essayons de proposer une interprétation aussi sincère et honnête que possible qui s’inscrive dans le respect du style et de la langue propre à chaque œuvre. Même si notre travail consiste souvent à régler certains détails très précisément, notre objectif reste in fine d’offrir une lecture spontanée et vivante des œuvres que nous jouons et de laisser la place à une certaine forme d’improvisation. La musique de chambre devient passionnante lorsqu’un dialogue se crée entre les interprètes et lorsque chacun se sent libre de surprendre ses partenaires sans entraver la cohérence de l’ensemble.

Quelles sont les difficultés inhérentes aux deux oeuvres du répertoire interprétées aujourd'hui? Sur le plan musical, à quoi êtes-vous particulièrement attentifs dans leur interprétation?

T.C.: Le trio op.70 n°2 de Beethoven est une pièce qui nous tient particulièrement à cœur. Elle est relativement peu jouée, notamment si on la compare à son pendant, le trio op.70 n°1 dit “Les Esprits”, bien plus célèbre. C’est une pièce éclairée d’une lumière que l’on retrouve assez peu dans l’œuvre de Beethoven.Elle est en effet pleine de tendresse et le plus souvent d’une grande intériorité. La principale difficulté est de retranscrire ce caractère sans perdre de vue la qualité beethovénienne de l’interprétation qui doit rester animée d’une force intérieur très particulière.

Le trio de Ravel est une œuvre fondamentale et occupe une place unique dans le répertoire du trio avec piano. Outre sa grande difficulté technique (notamment dans la partie de piano), il faut ici savoir créer une atmosphère empreinte de magie et de rêve tout en gardant une certaine brillance. Faire preuve d’une grande souplesse dans la gestion du temps et des couleurs sonores tout en conservant un discours clair et cohérent me semble être ici le principal écueil.

Quant à l'oeuvre imposée de Fazil Say, avez-vous rencontré des difficultés lors du déchiffrage de la partition? Dans quelle optique avez-vous préparé votre interprétation? (Quels sont les choix interprétatifs de votre trio?) Avez-vous eu le sentiment de participer à la création mondiale de l'oeuvre?

T.C.: “Space Jump” n’a pas présenté de difficulté particulière de lecture car c’est une pièce très “classique” dans son langage et sa formalisation graphique. Il me semble important lorsque l’on joue une œuvre nouvellement écrite de l’aborder de la même façon qu’une pièce appartenant déjà au répertoire, à savoir en cherchant à comprendre le langage propre au compositeur et à décrypter ses intentions. Pour autant, le fait de ne pas arriver après une longue tradition d’interprétation est plutôt un avantage, on ressent moins la peur de ne pas jouer “comme il faut” et on a le sentiment de jouir d’une liberté qu’il est parfois difficile de retrouver dans d’autres répertoires. Le fait d’être parmi les premiers à jouer une pièce est un sentiment particulier, on sent à la fois une grande responsabilité et beaucoup d’excitation à l’idée de donner vie à un objet musical totalement nouveau.

Si vous vous mettez un instant à la place du jury, quels sont selon vous les critères d'appréciation des membres d'un jury pour le trio avec piano?

T.C.: La difficulté de l’appréciation d’un concours de musique de chambre réside dans la multiplicité des critères pouvant entrer en jeu. Les qualités individuelles de chaque membre du groupe sont évidemment à prendre en compte et revêtent une grande importance. Mais il me semble que l’élément décisif est la manière dont les qualités propres à chacun se mêlent et permettent de créer une interprétation cohérente tout en respectant les différentes individualités. C’est ce difficile équilibre qu’il est fondamental de trouver. Un autre aspect important dans ce genre de concours est la façon dont on approche chaque pièce. En effet, il est extrêmement important de montrer que l’on aborde chaque œuvre de manière différente en tenant compte de ses spécificités et de créer des atmosphères et des mondes sonores bien identifiés.

Pendant votre prestation, on a pu remarquer combien vous étiez souvent en contact visuel les uns avec les autres? Quelle est l'importance de ce contact, son utilité?

T.C.: Il est extrêmement important d’être en permanence en contact avec ses partenaires. Pour autant, ce contact ne doit pas nécessairement être visuel. Comme je l’ai dit, nous essayons d’être aussi spontanés que possible sur scène et de nous surprendre lorsque nous en ressentons le besoin. Cette (relative) liberté nécessite que chacun soit constamment attentif aux intentions et aux propositions de ses partenaires.

Pourriez-vous évoquer les choix du répertoire de votre trio?

Le répertoire du trio avec piano présente le grand avantage d’être large et surtout extrêmement varié. Depuis Haydn, presque tous les grands compositeurs s’y sont essayé et c’est cette variété qui nous attire. Aussi nous essayons de ne pas nous cantonner à une seule période ou un seul style. Concernant les œuvres que nous avons choisies pour ce concours, il faut en premier lieu savoir que le choix est “guidé”, à chaque tour correspondent plusieurs listes dans lesquelles nous devions choisir ce que nous souhaitions jouer. Nos choix ont plus été le reflet de nos envies du moment que d’une quelconque posture artistique, notre souhait étant à terme d’aborder tous les styles et tous les compositeurs afin de développer un répertoire aussi large que possible.

Pensez-vous que le fait d'être arrivé en demi-finale influencera la carrière et les possibilités d'engagement de votre trio?

T.C.: Notre groupe s’étant constitué récemment, nous n’avions eu jusqu’à présent que très peu d’occasions de nous faire connaitre. En cela je pense que notre parcours peut nous aider grandement, simplement de par le fait que beaucoup de gens connaissent à présent notre existence et ont pu suivre la demi-finale via internet. Il est évident qu’un prix nous aurait fait franchir une marche supplémentaire, mais l’impulsion est là, et c’est ce que nous cherchions.

Pourriez-vous évoquer votre parcours personnel? L'importance de la famille dans votre parcours (ou la non importance? A quel âge avez-vous abordé le violoncelle?

T.C.: Mes parents ont joué un rôle essentiel dans mon parcours puisque c’était au départ leur souhait que j’apprenne le violoncelle lorsque j’avais 5 ans. Par la suite, ils m’ont toujours manifesté un grand soutien sans pour autant me faire ressentir une pression négative, ce qui est un équilibre très délicat à trouver. La décision de faire de la musique mon métier s’est imposée petit à petit jusqu’à devenir une évidence vers l’âge de 12 ou 13 ans. J’ai ensuite suivi un parcours très classique, faisant mes études au Conservatoire de Paris puis partant étudier en Allemagne, à Stuttgart puis Freiburg.

Lorsqu'on fait partie d'un trio, peut-on parallèlement mener une carrière individuelle? si oui, de quelle nature? 

Non seulement c’est possible, mais cela me parait indispensable. D’une part pour des raisons pratiques, car il est très difficile d’en vivre à plein temps, et surtout parce que c’est pour moi un besoin fort que de pratiquer la musique sous des formes diverses. J’aime aborder des répertoires différents et dans des formations différentes. C’est ainsi que je suis membre de la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême dont je suis violoncelle solo, ce qui me donne l’occasion de jouer le répertoire symphonique et de côtoyer des musiciens de haut niveau et de différents horizons, que ce soient les autres membres de l’orchestre, les solistes invités ou les différents chefs. Lorsque j’en ai l’occasion, je joue en musique de chambre dans d’autres formation que le trio et cela me procure également beaucoup de plaisir. Je tiens aussi à conserver une activité de soliste, que ce soit avec orchestre ou en récital, qui me permet de communiquer à travers la musique d’une façon différente. Enfin, je me consacre ponctuellement à l’enseignement qui constitue également pour moi une forme d’enrichissement indispensable. Toutes ces activités se complètent et s’enrichissent mutuellement et c’est pour cette raison que j’essaye de développer chacune au mieux.

Merci, Tristan Cornut, pour ces réponses enrichissantes qui apportent un éclairage précis sur le fonctionnement et la participation à un grand concours de musique.

Pour en savoir davantage, consultez le site de Tristan Cornut