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dimanche 28 décembre 2014

La culture munichoise étoilée par l'Abendzeitung

Le journal populaire munichois, l'Abendzeitung, a décerné ses Etoiles de l'année (Sterne des Jahres), des distinctions qui consacrent les personnes ou les lieux culturels qui ont le plus contribué à l'éclat culturel de la capitale bavaroise. Voici quelques-unes de ces étoiles.

Le Gärtnerplatztheater est à l'honneur dans la catégorie 'Théâtre musical' avec sa production de la très amusante opérette d'Emmerich Kàlmàn Zirkusprinzessin (la princesse du cirque) qui avait été montée dans un lieu qui lui convient parfaitement bien, le Cirque Krone. L'Abendzeitung signale la qualité exceptionnelle du superintendant du Theater-am-Gärtnerplatz, Joseph Köpplinger, qui fait un travail formidable en regard des conditions très particulières d'un théâtre en rénovation, avec la recherche constante de lieux de représentations et les efforts énormes que cela requiert. (voir l'article de Munichandco sur la production).

Dans la catégorie 'Classique', c'est une  cantatrice du Studio Opéra du Bayerische Staatsoper qui est distinguée: Mària Celeng, une jeune soprano hongroise qui a brillamment cette année le rôle-titre de Mirandolina au théâtre Cuvilliés, en alternance avec Elsa Benoit, elle aussi excellente dans le rôle. (voir l'article de Munichandco sur la production)

Dans la catégorie 'Exposition', l'étoile est décernée à l'exposition Kirchner qu'a présentée la Pinakothek der Moderne, un musée qui dispose d'ue importante collection des oeuvres de l'artiste. Enfin, dans la catégorie 'Lieu d'exposition', c'est la Hypo-Kunsthalle qui se voit étoilée: et , en effet, des expositions de la plus grade qualité s'y succèdent! Ainsi cette année, quatre grandes expositions phares s'y sont succédées, avec chaque fois un travail et une approche académiques irréprochables, et un grand sens de la pédagogie muséale: Pompéi, Dix/Beckmann, Tiziano, Rembrandt, Bellotto, et enfin la fabuleuse exposition Corps et âme (Leib und Seele), consacrée au rococo que l'on peut encore y voir pour quelques semaines. (Cliquer sur les liens pour les articles de Munichandco consacrés à ces expositions).

Source: Abendzeitung du samedi 27 décembre 2014, pages 18 et 19




vendredi 26 décembre 2014

Le Cirque Krone a ouvert brillamment sa saison 2015

Jana Mandana et son amie l'éléphante Bara
Le Cirque Krone fait traditionnellement sa joyeuse entrée dans la saison d'hiver le jour de la Noël. C'était comme d'habitude le cas hier soir où le Cirque Krone a donné le premier des ses trois spectacles dont les représentations dureront jusqu'au 31 janvier 2015. Le Cirque a ouvert sa saison en fanfare avec l'excellent orchestre ukrainien placé sous la direction d'Oleksander Krasyun et Nicolai Tovarich dans le rôle de Monsieur Loyal.

En première partie, on a assisté aux sauts acrobatiques de la Troupe de Dalian qui effectuait ses sauts au départ d'une balançoire chinoise double avec d'abord une réception au sol, ensuite dans une immense toile tendue de haut en bas qui reçoit de plein fouet les corps projetés des acrobates qui se laissent ensuite glisser vers le sol. Les sauts et les pirouettes deviennent au fil du numéro de plus en plus périlleux! Krenzola Jr vient ensuite présenter sa basse-cour digne d'une arche de Noé avec ses coqs, ses oies et même son dindon, qu'accompagnent d'autres volatiles comme de superbes cacatoès et de blanches colombes, et que côtoyent sans se dévorer ni même se chamailler quelques chiens, petits et grand, des chats et même un renard qui se retient de croquer la volaille. Shirley Dean a dû être remplacée en dernière minute par l'excellent jongleur russe Dimitri Tschernow qui jongle avec de grosses balles blanches dans un costume futuriste digne des voyages spatiaux. Il est suivi d'un étonnant numéro de capilotraction, d'autant plus intéressant que ce type de numéro a quasi disparu des scènes de cirque: deux magnifiques cubaines, le Duo Capilar,  aux costumes des plus suggestifs, -elles portent des maillots noirs aux bustiers rouges qui moulent les formes de leurs corps athlétiques, une jarretière et des hauts talons ajoutent à leu tropicale sensualité-, exécutent des acrobaties aériennes suspendues par leurs seuls cheveux. La célèbre et très attendue Jana Mandana entre ensuite en scène avec Bara, son éléphante amie et complice. Les deux dames se connaissent depuis longtemps et travaillent en total confiance dans une parfaite harmonie pour ce numéro émouvant de professionnalisme et de tendrese. Jana Mandala raconte que la complicité est telle entre elle et l'éléphante que cette dernière a signalé il y a quelques années à la dompteuse qu'elle était enceinte en venant à plusieurs reprises lui caresser délicatement le bas du ventre avec le bout de sa trompe. Une visite au médecin a confirmé ce que l'éléphante avait perçu avec son seul instinct maternel. On comprend mieux que Jana Mandana ose se laisser porter dans la puissante mâchoire de Bara ! L'éléphante se montre capable des figures d'une grâce et d'une légèreté inouïes au vu de sa masse et de son poids ! On a le souffle coupé par le dernier numéro de la première partie : un numéro à la haute perche par la troupe russe Champions, qui mérite bien son nom. Ce sont là des athlètes-acrobates fabuleux dont les prouesses dépassent l'entendement. La moindre erreur ferait s'écrouler l'édifice incertain des hautes perches qui se superposent : deux athlètes portent un perche à deux portants sur leurs épaules au sommet de laquel vient se jucher un autre athlète qui à son tour place la base d'une perche sur son front. Une perchiste escalade alors cet échafaudage incertain pour venir réaliser au sommet une délicate contorsion acrobatique. Du tout grand art ! Ce numéro exceptionnel est d'ailleurs répertorié au Guiness des records !

Tout le spectacle est ponctué des différents numéros des clowns musiciens de la Famille Streza. Les Streza nous donnent différents numéros en interprétant  des personnages à chaque fois différents. L'opéra est deux fois à l'honneur avec le grand air de Figaro et le grand air de la reine de la Nuit interprété avec une marionnette grandeur nature qui tient de Miss Piggy et de la Castafiore. La marionnette chante à se décrocher la mâchoire et pousse des notes si hautes que son cou finit par se distendre et par s'allonger de manière démesurée. Un super numéro de clownerie musicale fait intervenir des instruments plus improbables les uns que les autres, dont une très belle scie musicale. Une troupe inventive de grande qualité qui renouvelle l'art de la clownerie!

Martin Lacey Jr en dialogue avec une lionne
La seconde partie du spectale commence par le clou de la soirée, le grand numéro du dompteur attitré du Cirque Krone, Martin Lacey Jr qui nous présente un numéro sans pareil avec douze dames lionnes qui semblent se comporter avec le dompteur comme des animaux familiers. Ici aussi il s'agit d'une histoire d'amour, de complicité et d'harmonie. Et pourtant ce sont là des carnassiers redoutables qu ce magnifique dresseur parvient à faire se mouvoir dans de belles chorégraphies. Un autre maître surveille cependant  le manège des lionnes: c'est le lion-maître Kasanga qui règne sur son trône tout au haut de la cage. S'il semble vouloir ignorer le ballet de ses lionnes, ce n'est sans doute qu'une apparence que se donne ce Roi du cirque, qui ne perd pas un seul moment ses femmes de sa prunelle à demi-fermée! Martin Lacey Jr nous offre un spectacle légendaire, consacré par un Clown d'or et un Clown d'argent au festival de Monte-Carlo. L'espagnol Nicol Nicols danse ensuite le flamenco sur une corde tendue, sur laquelle il effectue de plus des pirouettes acrobatiques dont un saut complet et un saut effectué au travers d'un cercle vers l'intérieur duquel pointent les lames de poignrds menaçants. Jana Mandana revient ensuite avec six magnifiques chevaux étalons à la robe de feu pour une symphonie chevaline où règne l'harmonie et la douceur de la chorégraphie. la science du dressage de Jana Mandana  va jusqu'à faire sortir un cheval dressé sur ses pattes arrières à reculons! Elle est suivie du numéro du Duo Fusion, des artistes en provenance des Etats-Unis, qui travaillent à la force du poignet et où l'on voit la femme effectuer l'effort de force pendant une partie du numéro: c'est elle elle qui porte son partenaire dans des postures qui défient les lois de  l'équilibre et exigent une précision absolue. Virgina Tuelles et Giovani Perez, un couple à la scène comme dans la vie, terminent leur spectacle par un tango érotique qui met une dernière fois en valeur la beauté de leurs corps parfaits. La soirée se termine par une sensation aérienne aux élastiques benji orchestrée par la troupe Chy Fu Dey dans le feu d'artifice coloré de leurs costumes arc-en-ciel et de leurs coiffures aux crêtes multicolores.

Un somptueux mélange de tradition et de modernisme sous le magnifique chapiteau du Cirque Krone! Jusqu'au 31 janvier. 

Pour réserver, cliquer ici

Trailer

mardi 23 décembre 2014

12000 Munichois manifestent contre le racisme et l'intolérance et pour la diversité.


Un dangereux mouvement d'extrême-droite en était hier à sa dixième manifestation: 17500 personnes se sont rassemblées à Dresde à l'appel du mouvement PEGIDA (acronyme pour 'Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes /Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident').  Lors de ce rassemblement, les participants ont chanté des chants de Noël chrétiens. Une contre-manifestation d'environ 4000 personnes a été organisée par l'alliance 'Dresde sans nazis'.

A Munich, plus de 12000 personnes se sont rassemblées sur la Max-Joseph-Platz pour dénoncer la dangereuse propagande de ce mouvement. L'Opéra national bavarois (Bayerische Staatsoper) a participé à la manifestation en pavoisant des slogans en faveur de l'humanité, du respect et de la diversité. De nombreuses personnalités politiques munichois, dont le Bourgmestre Dieter Reiter, se sont mobiliséees pour venir exprimer leur profond désaccord avec ce mouvement haineux.

lundi 22 décembre 2014

Marcel Kaupp, un artiste gay, remporte le titre envié de superstar sur la chaîne RTL allemande


Le verdict de la  8ème édition de  Das Supertalent est tombé ce week-end, après trois mois de diffusion hebdomadaire. L'émission est l'équivalent de  La France a un incroyable talent.  Une saison qui a cartonné à l'audimat: on a enregistré entre  4 et 5 millions de spectateurs  chaque samedi.

Le Supertalent 2014 a consacré hier soir un artiste  travesti gay, Marcel Kaupp, un chanteur exceptionnel. Marcel Kaupp, qui exerce le métier de coiffeur à Cologne a recueilli 24,41 pour cent des votes des téléspectateurs. Artiste travesti, il se produit sous le pseudonyme de Marcella Rockafella. Sa victoire lui permet d'empocher la somme de 100000 euros.

Lors du premier show de RTL, il s'était produit en sosie de Conchita Wurst et avait parfaitement maîtrisé la chanson fétiche de Conchita, Rise like a Phoenix, suite à quoi le Bild Zeitung  avait surnommé le chanteur, avec le goût équivoque qui caractérise ce tabloid,   la 'Saucisse allemande' ('die deutsche Wurst'), une appellation douteuse qui ne rend en rien compte de l'énorme talent du grand artiste qu'est Marcel Kaupp! Lors de la finale, il a interprété One moment in time de Whitney Houston, en travesti. Tout enchantant, il enlève ses faux-cils et sa perruque et se met à se démaquiller pour terminer la chanson en Marcel. On peut revoir ce moment en cliquant ici.

Voici son clip officiel intitulé Titanium



Marcel Kaupp a déclaré vouloir utiliser sa nouvelle notoriété pour lutter contre les discriminations contre les personnes LGBT et en faveur de l'égalité des droits. On peut le suivre sur sa page facebook ou sur youtube.

Voir encore son très beau 'Some die young'! Un artiste à suivre!

dimanche 21 décembre 2014

Décès d'Udo Jürgens. Warum, nur warum?

Udo Jürgens en 1987 (archives allemandes)
Le chanteur autrichien est décédé en fin d'après-midi à l'hôpital de Münsterlingen en Suite  suite à des défaillances cardiaques. Cette après-midi, le chanteur a fait une crise cardiaque alors qu'il était en train de se promener. Les médecins n'ont pu le réanimer. Il était âgé de 80 ans. Le monde germanophone perd un de ses chanteurs les plus célèbres.

En 1960, il avait écrit le tube mondial Reach for the Stars interprété par Shirley Bassey. En 1964, il représente l’Autriche pour la première fois au concours Eurovision de la chanson avec la chanson Warum, nur warum? qui termine sixième. Sa chanson Sag ihr, ich lass sie grüßen est quatrième du concours en 1965 et en 1966, il remporte le concours pour l’Autriche avec la chanson Merci, Chérie qui se classe parmi les meilleures ventes de l'année dans les pays germanophones, au Benelux et en France.

Dans les années suivantes, il enregistre d’autres succès comme Griechischer Wein.  En 1978, il donne Buenos Días, Argentina, qu’il enregistre avec l’équipe allemande de football. 

220 000 personnes assistent à son concert à Vienne en 1992, ce qui demeure l’un des plus gros concerts en Europe.

Udo Jürgens  a composé plus de 900 chansons et vendu environ 105 millions de disques.






La veillée russe du Choeur de la radiodiffusion bavaroise

Peter Dijkstra
Le Choeur de la radiodiffusion bavaroise (Chor des Bayerichen Rundfunks), qui a récemment été désigné choeur de l'année 2014 par Echo-Klassik, a donné hier soir un nouvel exemple de son excellence avec un concert russe au Prinzregententheater de Munich, placé sous la direction de Peter Dijkstra.

L'originalité de ce concert intitulé Veillée russe a été de mêler un grand choeur liturgique de Sergeï Rachmaninov, Les Vêpres (la Grande Louange du soir et du matin), op. 37, pour chœur a cappella, que le compositeur russe écrivit en 1915, avec la première suite pour violoncelle solo, op.72,  que Benjamin Britten composa pour Mstislav Rostropovitch, et qui fut jouée hier soir par le talentueux Maximilian Hornung.  Britten avait écrit cette suite  de six sections rassemblées en trois paires en 1964, elle fut créée au festival d’Aldeburgh par Mstislav Rostropovitch le 27 juin 1965. Les deux oeuvres, qui ont toutes deux de fortes connotations spirituelles, ont été hier soir exécutées en alternance, pour créer un effet de contrepoint musical.

Pour sa musique liturgique,  Rachmaninov a bien sûr puisé dans ses souvenirs: comme enfant il avait passé de longues heures à participer à des cérémonies religieuses dans lesquelles les choeurs jouaient un rôle prédominant. Il a quarante ans lorsque la première guerre mondiale vient d'éclater, il compose alors ces Vêpres comme une réflexion mystique sur base de  chant choral orthodoxe. L'oeuvre, bientôt centenaire, fut présentée en mars 1915 lors d'un concert de bienfaisance pour les victimes de la première guerre mondiale. Une oeuvre que peu de choeurs occidentaux parviennent à chanter, notamment parce qu'il s'agit de maîtriser la profondeur qu'elle exige des voix basses qui sont appelées à atteindre les limites de leurs possibilités. Le choeur bavarois rend cette oeuvre a capella, une des oeuvres préférées du compositeur, à la perfection, avec un chef des choeurs dont on apprécie la concentration exceptionnelle et la direction minutieusement précise, une direction magistrale mais à la fois empreinte d'une grande douceur et d'une grande tendresse. Le résultat en est une exécution d'une grande unisson, empreinte d'une beauté céleste, comme le déroulement d'une longue méditation qui baigne le public dans une atmosphère de spiritualité profonde.

Britten composa pour Rostropovitch une trilogie de suites pour violoncelle seul. Dès l'entame de la première suite, on pense aussitôt aux suites pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach car elles ont en commun la composition linéaire de l'harmonie et le recours à la fugue. Maximilian Hornung semble se jouer des difficultés techniques de l'oeuvre dont il souligne la subtilité mélodique. Il en donne une interprétation inspirée, avec une capacité de concentration intériorisée qui  révèle avec émotion la dimension spirituelle de cette oeuvre qui correspond bien au thème de la soirée,  Britten l'ayant écrite au retour d'un voyage en URSS à l'attention du grand musicien russe Rostropovitch.

Une magnifique veillée russe, longuement applaudie par un public reconnaissant!

Maximilian Hornung - Violoncelle
Jutta Neumann -Mezzo-soprano
Moon Yung Oh - Ténor
Andrew Lepri Meyer - Ténor

Peter Dijkstra -Direction musicale

Plus d'infos sous www.br-klassik.de/chor

Discographie: ces Vêpres ont été enregistrés en 2004 par le Choeur de la radiofdiffusion bavaroise chez Oehms classics.




vendredi 19 décembre 2014

Kevin John Edusei dirige un Elias de Mendelssohn de toute beauté à Munich

Avec l' Elias de Félix Mendelssohn Bartholdy dans sa version allemande, le Münchner Symphoniker, le Kammerchor München, quatre solistes d'exceptions et des petits chanteurs solistes du choeur d'enfants de Bad Tölz viennent de donner pendant deux soirées un des meilleurs concerts lyriques que Munich ait connu au cours de l'année 2014. A la perfection de l'exécution musicale, du chant et de la direction d'orchestre, tous ces artistes ont su dans leur effort conjoint communiquer l'intense émotion de cet  oratorio aux puissantes tonalités dramatiques, que tant de choristes placent au faîte du chant choral.

Kevin John Edusei a su réussir l'unisson de ce grand ensemble d'orchestre choral d'une centaine d'artistes (le choeur par quarante avec par moments quelques parties solo, la cinquantaine de musiciens et 7 solistes dont trois enfants) et communiquer sa passion pour ce grand oratorio de Mendelssohn, qui n'est pas tellement éloigné d'un scénario opéra avec son développement d'une grande théâtralité. Le charisme du chef s'est communiqué à l'ensemble des acteurs, pour rendre compte du zèle religieux de cette figure biblique d'exception dont la Bible, dans  les Livres des Rois, souligne le caractère tranché d'un homme entièrement soumis à son Dieu et qui ne fait aucune concession, dût-il offrir sa vie pour porter la cause de son Seigneur. On vit par la musique et par le chant des moments d'une exquise beauté dramatique et musicale, comme au premier acte, le dialogue entre Elias et la veuve dont il guérit le fils ou l'épreuve du sacrifice sur le Mont Carmel. Le Choeur de chambre munichois a rendu de manière admirable la versalité du peuple qui passe sans vergogne de la louange au Dieu d'Israël à la condamnation au martyre de son Prophète, pour retourner encore sa veste quelque temps plus tard. Sous la psalmodie des mains de son chef qui semblent s'envoler comme des oiseaux et sous son expressivité attentive à chaque instant de la partition, l'orchestre a su rendre les variations de l'expression musicale, qui va d'une solennité majestueuse à des moments plus doux et plus légers, avec des moments d'humour et de sourire comme lorsque, au début du premier acte, Elias est confronté aux prophètes de Baal dont il demande à voir les miracles de leur dieu (Rufet lauter! Er hört euch nicht!). On perçoit déjà l'alchimie positive entre les musiciens et leur directeur musical, qui n' a pris ses nouvelles fonctions que récemment à Munich.

Les solistes sont de la plus belle eau, avec l'Elias souverain d'Alejandro Marco-Buhrmester, avec son baryton puissant et les belles modulations de son timbre chaleureux, avec de beaux graves, et une conviction concentrée dans l'incarnation du Prophète, ou avec le soprano vibrant et passionné de Sophia Brommer, une chanteuse extraordinaire qu'on avait découverte à Munich au Concours international de musique ARD 2012. Son début du deuxième acte nous fait assister à une théophanie musicale, lorsqu'après avoir entonné son Höre, Israël, höre des Herrn Stimme, elle devient Dieu lui-même, avec son Ich bin euer Tröster, chanté avec l'intensité de sa voix claire et lumineuse, et une expressivité dans l'attitude et l'intensité du regard. Comme pour le choeur, la diction parfaite de ces deux grands chanteurs et la force de leur expression  permet de suivre au détail près le déroulement du récit. Deux excellents artistes, rompus eux aussi au chant lyrique religieux, occupent l'ensemble des rôles secondaires: la mezzo Ursul Thurmair qui passe sans anicroche d'un rôle angélique au diabolisme de Jézabel, et le ténor léger et raffiné d'Attilio Glaser.

Un moment de grâce très émouvant vient du chant des enfants, trois jeunes sopranos du Choeur d'enfants de Bad Tölz, Jakob Göpfert, Elias Mädler, au prénom prédestiné pour notre oratorio, et Valentin Kuchler. Le chef les a placés dans une des loges supérieures du Prinzregententheater, de là ils dominent le public qui se retourne dès l'entame de leur chant angélique, de même que le chef, qui s'est retourné lui aussi, et dont on peut alors observer l'extraordinaire expressivité du visage dans le soutien du chant enfantin. De loin, on aperçoit les modulations faciales de ces enfants au soprano aigu, qui rappellent par la totalité de leur engagement vocal l'expressivité des anges musiciens de l'Agneau mystique de Jean Van Eyck. Des moments de pur bonheur!

Après son Requiem de Verdi du mois de novembre, Kevin John Edusei a donné avec son Elias une nouvelle preuve éclatante de son savoir-faire dans le domaine lyrique. On rêve de pouvoir le voir un jour diriger un opéra sur une scène munichoise. Son travail avec le Münchner symphoniquer débute sous les meilleurs auspices.

Pour découvrir le programme du Münchner Symponiker, cliquer ici.
Post précédent sur le sujet: cliquer ici


La base du temple d'honneur nazi sur la Place Royale (Königsplatz) de Munich a été dégagée.

Un des deux temples d'honneur (Ehrentempel) en 1936
(Crédit: Archives nationales allemandes)
La Königplatz, la Place Royale, de Munich fut un des hauts lieux de la propagande national-socialiste. Des travaux effectués près de la Place Royale dans le cadre de l'aménagement des abords du nouveau Centre de documentation du national-socialisme (NS-Dokumentationszentrum München) qui s'ouvrira au printemps prochain, le 1er mai 2015, ont permis de dégager le socle d'un des 'temples d'honneur' que le national-socialisme y avait érigé. En 1935 le mouvement nazi avait fait exhumer seize victimes du putsch de Hitler de novembre 1923 et avait transféré leurs dépouilles vers deux temples d'honneur construits près de la Place royale au cours d'une cérémonie solennelle. Le national-socialisme avait en effet fait de la Place Royale un des forums majeurs du mouvement. Un culte devait être rendu  aux seize "martyrs" dans les deux temples d'honneur, protégés par une "garde éternelle".

© NS-Dokumentationszentrum München/Jens Weber

La base nord de l'ancienne "panthéon" nazi sur la Place Royale a été libérée  début du mois de décembre de la végétation qui l'avait envahie. Ces ruines constituent un  vestige architectural de la période nazie et peuvent à nouveau être vues pour la première fois depuis des décennies. Elles seront utilisées à titre de témoin, en relation visuelle avec le nouveau Centre de documentation national-socialiste de Munich (qu'on aperçoit en fond de photo). L'apprentissage et la mémoire peuvent désormais entrer en confrontation directe avec un environnement façonné par l'architecture nazie.

Ce "panthéon" avait été dynamité sur directive du gouvernement militaire américain au début de 1947; et seule la base en est restée. En 1956-1957, on y a planté de la végétation. Au fil des décennies, le lieu a été transformé  en biotope et la base a disparu de la perception visuelle. La base sud restera quant à elle dans cet état.

Le dégagement de ce socle du temple d'honneur nazi a une visée pédagogique: il s'agit d'encourager une analyse critique du passé.

Source: communiqué de presse du Centre de documentation N-S

NS-Dokumentationszentrum
München Brienner Str. 34 
D-80333 München 

mercredi 17 décembre 2014

Le 25 décembre, le Cirque Krone ouvre sa saison d'hiver à Munich avec un tout nouveau programme.

Le célèbre dompteur Martin Lacey
Un étonnant numéro de capilotraction venu de Cuba, une sensation benji (saut à l'élastique) en provenance de Chine et une véritable arche de Noé, le programme du Cirque Krone qui commence à Noël présente un panel d'artistes venus du monde entier!

Le 25 décembre, ce sera le début de la 96ème édition de la saison munichoise du Cirque Krone dans ses bâtiments munichois. Durant les trois mois d'hiver, jusqu'au 29 mars, le Cirque Krone prend ses quartiers d'hiver sous son chapiteau en dur de la Marsstrasse. Trois mois avec trois programmes différents qui ne manqueront pas de réjouir petits et grands.

Jana Mandala et l'éléphante Bara

C'est désormais traditionnel, le premier programme commence le jour de Noël. 34 artistes, dompteurs et clowns issus de dix nations différentes présentent ce premier spectacle intitulé Les géants du manège, avec un programme animalier particulièrement soigné: on y verra des éléphants, des grands félins, des chevaux et d'autres animaux exotiques, une véritable Arche de Noé avec des renards et des oies, des chats et des tourterelles, des chiens, des perroquets et la dinde Rudy! Avec bien sûr ces deux étoiles du Cirque Krone que sont Martin Lacey et ses lions et la dresseuse Jana Mandala avec ses étalons et ses éléphants.

Les artistes aériens sont eux aussi à l'honneur avec toute une série de numéros à couper le souffe, dont un suspense d'équilibre policier haut perché, des sauts prodigieux avec un duo de balançoires, d'incroyables sauts à l'élastique, de quoi donner des frissons aux plus placides d'entre nous.

Capilotraction cubaine
Et puis, encore, un numéro de suspension par les cheveux, une artiste équilibriste qui danse le flamenco sur une corde tendue et la fameuse et magnifique gentleman-jongleuse qui nous vient d'Autriche, Shirley Dean!

Un cirque sans clowns n'est pas un cirque! Une famille de clowns musiciens, les Sterza, qui jouent sur des instruments parfois improbables mais toujours surprenants et amusants, se chargent de l'ambiance et feront jaillir les rires des enfants et des plus grands.

Un somptueux mélange de tradition et de modernisme sous le magnifique chapiteau du Cirque Krone!

Pour réserver, cliquer ici



mardi 16 décembre 2014

Un nouveau livre sur Louis II de Bavière annoncé pour février: Le roi des rêves, Louis II de Bavière

Le Roi des rêves – Louis II de Bavière, une biographie écrite par Isaure de Saint Pierre; paraîtra le 5 février 2015 aux éditions Abin Michel

Le livre

L'Europe a d'abord adulé ce jeune roi de vingt ans follement romantique. Avant de tourner en dérision ce personnage extravagant qui aimait les gens du peuple, préconisait la paix lorsque tous la plupart des pays ne désiraient que la guerre, se ruinait en châteaux féériques et faisait de Wagner un véritable dieu. On l'a dit fou enfin parce qu'homosexuel en ce XIXe siècle si puritain. Mais Louis II de Bavière, solitaire épris de beauté et de poésie, ne disait-il pas de lui-même : « Je veux rester un mystère pour moi-même et pour les autres » ?

Note de l'éditeur

C'est ce mystère qu'explore la romancière Isaure de Saint Pierre dans un livre qui, à rebours des clichés, rend à Louis II toute sa dimension. Celle d'un amoureux des arts un peu fantasque certes, mais surtout d'un homme politique exigeant qui sut faire face à Bismarck et imposer ses choix. 

L'auteur

Isaure de Saint Pierre est l'auteur de nombreux romans et biographies historiques : Tseu-hi, dans La dernière impératrice, Raspoutine, le fol en Christ, Roxelane, l'épouse de Soliman dans La Magnifique, la Castiglione dans La dame de coeur, Charlotte de Belgique dans L'impératrice aux chimères, la célèbre sorcière berbère dans La Kahina, reine des Aurès ou Aliénor d'Aquitaine avec Aliénor l'insoumise, tous publiés chez Albin Michel.

Paquita, une exquise redécouverte du Ballet national bavarois, avec une Daria Sukhorukova impériale!

Vue de Saragosse sur le rideau d'avant-scène.
La reconstitution minutieuse par le Bayerisches Staatsballett de la Paquita revue par Marius Petipa nous donne l´occasion de redécouvrir à la fois le ballet romantique parisien de 1848 sur la musique de Edouard Marie-Ernest  Deldevez et la version revue par Marius  Petipa en 1881 avec les ajouts musicaux de Ludwig Minkus. C'est en fait l'occasion d'une double découverte et, pour les amateurs des ballets romantique et classique, un double enchantement, avec tout le charme d'une reconstitution historique réalisée dans les règles de l'art, réalisée par une équipe menée par le chorégraphe Alexei Ratmansky, qui a livré un travail des plus remarquables.

Paquita devant la stèle commémorative
Le bonheur commence dès qu'on pénètre dans la grande salle du Théâtre national où un rideau d'avant-scène nous accueille avec la reproduction à l'échelle du rideau de la vue de Saragosse que réalisa le peintre Juan Bautista Martínez del Mazo en 1647. La Saragosse occupée par les troupes napoléoniennes n'en devait pas beaucoup différer. Pendant l'ouverture, une main invisible calligraphie un texte sur le rideau à l'allemande qui évoque les circonstances de la cérémonie à laquelle on va assister. Le rideau se lève sur le décor réalisé par Jérome Kaplan, à qui on doit aussi la reconstitution des admirables costumes. Nous sommes dans la Valle del toro, un espace pittoresque près de Saragosse que l'on apercoit au loin à l'horizon, dans l'encadremenent de la grande arche qui forme le fond du décor. C´est en ce lieu que va être inaugurée la stèle commémorative érigée à la mémoire du général d´Hervilly, lâchement assassiné avec sa femme et sa petite fille, une stèle remarquablement reconstituée par les soins du décorateur qui a su en rendre le marbre, et les dorures de l'inscription surmontée d'une couronne dorée décorée d'un grand noeud de ruban de style Louis XVI. La grande arche de pierre supporte un chemin qui servira d'accès aux gitans, qui arriveront pour les festivités qui doivent succéder à la cérémonie d'hommage aux défunts.

Le Pas des manteaux
L'action est mimée avant d'être dansée, dans la tradition des ballets pantomimes romantiques. Ce type de ballet, qui recourt également aux danses folklotiques, exige une triple compétence de la part des danseurs du corps de ballet: il s'agit bien sûr qu'ils soient rompus à l'art de la danse classique, mais aussi qu'ils excellent dans l'expressivité très théâtralisée du mime et qu'ils puissent rendre châtoyante la couleur locale es danses populaires. Les danseurs du Ballet national de Bavière excellent à rendre les trois mondes qui se côtoyent dans ce ballet: celui des dignitaires de l'Empire français installés en territoire conquis, et le monde espagnol, tant celui des aristocrates que celui des gitans. Trois codes de société très distincts que la seule expression corporelle peut exprimer dans le ballet. L'héroïne du récit appartient à deux de ces mondes, ce qui rend d'autant plus difficile le défi à relever par la danseuse étoile, l'incomparable Daria Sukhorukova qui l'incarne en cette soirée de première, et qui doit passer du rôle de vedette gitane espagnole  de la danse à celui d'une jeune aristocrate française enfin réunie à sa famille de sang. On vit une soirée avec de belles variations sur diverses formes de danses, françaises et espagnoles, nobles ou populaires. La couleur locale est également rendue par le recours aux instruments de musique du terroir, pour l'Espagne ce sont bien sûr les inévitables castagnettes. 

Côté français, le premier acte connaît son apothéose dans le fameux Pas de trois, un pas dans lequel Javier Amo s'est montré excellentissime à la fois par le nombre de ses entrechats exécutés d'une volée et par la hauteur qu'il atteint pour les exécuter. Côté espagnol, on apprécie le pas des manteaux, exécuté par douze paires de danseuses, la moitié d'entre elles travesties en hommes qui dansent des parties toréées, avec un final de capes tenues à bras tendus qui forment comme une chenille au-dessus des couples. Le pas des manteaux est suivi du Pas des sept bohémiens, connu également comme Pas de Carlotta, avec Paquita/Sukhorukova en numéro étoilé. On assiste pendant tout cet acte à la démonstration de l'art du costumier qui a restitué les robes des femmes de la noblesse d'Empire, avec leur spencers et le cintrage sous la poitrine qui donne tant d'élégance aux longues retombées des robes, et un ensemble de costumes d'officiers impériaux, costumes de général d'Empire, de hussards, d'officiers d'infanterie, de dragons ou de lanciers. Les costumes des bohémiennes sont également de toute beauté, avec les jupes superposées, avec d'harmonieuses combinaisons de couleurs.

Si le premier acte met en place les éléments de l'action, le deuxième acte acte relève du pur roman noir à l'anglaise, ce type de littérature qui a tellement influencé le 19ème siècle français avec ses topiques d'assassinat, d'enlèvement d'enfants, de complots et de vengeances, de banditisme organisé, et, plus tard, de reconnaissance. Le décor souligne le côté de sombre dangerosité: la taverne est creusée dans le rocher dont le côté pesant est accentué.

La mazurka des enfants

Enfin le dernier acte se déroule dans le palais du commandant français de Saragosse, un palais dont les arcades sont ouvertes sur le panorama de la ville, avec ses colonnades en faux marbre et ses décorations marbrées sur les murs. Le commandant donne un bal où est conviée la noblesse française et la noblesse espagnole dont les femmes portent mantilles. On y danse des danses françaises comme la contredanse et la gavotte. Suit ensuite la très charmante mazurka des enfants, avec vingt petits rats des deux sexes qui exécutent leur numéro d'ensemble à la perfection, devant un public attendri et ravi. Après leur danse très applaudie, les enfants vont se placer dans la galerie de l'étage du palais, pour observer la danse de leurs aînés. Ce sera notamment le fameux Grand pas, avec ses six variations, les deux dernières variations étant celles des premiers solistes, la variation de Lucien d'Hervilly dansée par Tigran Mikayelyan et le couronnement de la variation de Paquita, dansée par la reine de la soirée, Daria Sukhorukova.

Daria Sukhorukova atteint au sublime avec le rôle de Paquita, qu'elle nourrit de sa fraîcheur et de son charme, et plus encore de l'excellence de son art. Elle allie la finesse de l'expression dans le jeu mimé à la souplesse, l'élégance, la précision et l'exquise légèreté de sa danse. Un pur bonheur!

Avec Paquita, le Bayerisches Staatsballett a apporté une contribution significative à la recherche et l'histoire du ballet et ajoute une pièce maîtresse à son répertoire qui ravira les amateurs de ballet classique.

Agenda

Alexei Ratmansky / Marius Petipa
Paquita

Les 16, 18 et 30 décembre 2014.

Les 2, 8, 9 et 11 janvier 2015
Le 25 avril 2015
Les 16 et 23 mai 2015
Et le 4 juillet 2015.
au Théâtre national de Munich.

Le 11 janvier, la représentation sera retransmise gratuitement sur internet sur la
STAATSOPER.TV

Réservations en ligne: cliquer ici puis sur 'Karten' en regard de la date choisie.

Crédit photographique: Wilfried Hösl

Post de présentation: cliquer ici

lundi 15 décembre 2014

Les Krampus à Munich. Reportage photographique (2)








Crédit photographique: Luc Roger

Zwarte Piet ou le Père fouettard ne sont plus politiquement correct? Essayez le Krampus! (1)

Krampus est une créature mythique qui accompagne saint Nicolas dans différentes régions du monde à l'époque de Noël.

Le mot « Krampus » provient du vieux haut-allemand où il désignait des griffes (Krampe). Dans les régions alpines, Krampus est une créature démoniaque qui accompagne saint Nicolas. Dans le rste de l'Allemagne, le Grand Saint est accompagné de Ruprecht, comme il l'est du Père fouettard ou de Zwarte Piet en Belgique. Alors que le bon Saint Nicolas donne des cadeaux aux enfants sages, Krampus donne des avertissements et des punitions auxpetits méchants. Traditionnellement, les jeunes hommes se déguisent en Krampus durant les deux premières semaines de décembre, en particulier dans la soirée du 5 décembre, et parcourent les rues en effrayant les femmes et les enfants avec des chaînes et des mêmes cloches dont on orne le cou du bétail. 

Les costumes modernes de Krampus se composent de masques en bois, de peaux de mouton, et de cornes. La fabrication des masques à la main représente un effort considérable. À Oberstdorf, dans la partie sud-ouest de la Bavière, la tradition de Wilder Mann (« l'homme sauvage »), est maintenue, il est comme Krampus (sauf les cornes), vêtu de fourrure, et effraie les enfants (et les adultes) avec des chaînes et des cloches. Il n'accompagne toutefois pas Saint-Nicolas.

Les Krampus à Munich

Hier à Munich était organisé un grand rassemblement de Krampus. On a pu en dénombrer plus de 500 venus de diverses régions alpines.

Reportage photographique (Munich, 14 décembre 2014)



















Crédit photographique: Luc Roger

dimanche 14 décembre 2014

Schlagobers, le ballet de Richard Strauss fouette la Reithalle.


Alors que Richard Strauss fait partie du panthéon des musiciens munichois, sa ville de naissance, son ballet Schlagobers n'y avait jamais été dansé depuis sa création viennoise en 1924. Il a donc fallu attendre 90 années pour que ce ballet emprunte la route qui va de Vienne à Munich, et, ultime ironie, ce sont deux Autrichiens qui l'y ont amené, le Superintendant du Theater-am-Gärtnerplatz, Joseph Köpplinger, et son chorégraphe Karl Alfred Schreiner. Le ballet se donne à la Reithalle, la grande salle de l'ancien manège.

L'orchestre a été placé surélevé d'un étage en fond de scène, il est éclairé de trois lustres de critsal qui rappellent peut-être l'éclairage des élégants salons de thé viennois où les nantis venaient se régaler de pâtisseries et autres gourmandises. Un grand orchestre dirigé avec la légèreté amusée qui convient à ce morceau par Marco Comin. Et c'est déjà une des grandes découvertes de cette production de pouvoir découvrir cette musique de Strauss rarement exécutée. Un Strauss joyeux qui fait la nique à la morosité d'après-guerre avec ses rythmes de valses, de mazurkas et de polkas traduits dans le génie de son langage propre. On reconnaît dans cette musique "beaucoup de talent, un matériel intéressant, de curieuses trouvailles de rythmes et d'harmonies, un assortiment d'étoffes fines, moelleuses et brillantes, un papillotage de couleurs, une dépense continuelle d'invention et d'esprit."*. Aux 'étoffes' de Romain Rolland, on devrait dans le cas de Schlagobers parler d'un assortissement de saveurs fines. le travail de l'orchestre et de son directeur est un des plaisirs gourmands de la soirée.

Si Schlagobers n'avait jamais été monté, c'est peut-être que l'entreprise s'avère difficile. S'il s'agit d'un ballet narratif dont on peut imaginer l'histoire  facilement représentable par la danse, l'expression corporelle et le mime, son essence l'est sans doute moins. C'est que sous le récit rudimentaire d'un enfant qui se gorge de sucreries au point de devoir être emmené à l'hôpital, il s'agit de communiquer un mélange de goûts et des saveurs, et c'est à cet exercice périlleux que se sont essayés le chorégraphe et ses danseurs. Comment danser l'art pâtissier et son alchimie de saveurs? Pour y parvenir, Karl Alfred Schneidera fait partiellement l'impasse sur une représentation pâtissière traditionnelle où l'on verrait par exemple des chefs pâtissiers à toques blanches  habillés en gâteaux, et semble avoir opté  pour une réflexion plus conceptuelle, avec un travail d'associations d'idées qui ne sont pas nécessairement faciles à suivre, si on ne connaît pas au préalable le livret et qu'on n'a pas l'esprit freudien.

La scène est quasi nue au départ du ballet, un simple muret l'encadre sur trois côtés, l'avant-scène restant libre. Sur la scène, un grand parallélépipède surmonté d'une rose figure un énorme gâteau avec sa décoration de massepain. A l'étage, devant l'orchestre, quelques tables rondes et quelques chaises font office de salon de dégustation. La tante (Marta Jaén) emmène son neveu (Javier Ubell), en culottes courtes à bretelles, au salon de thé.  Le livret initial décrit comme point du départ du ballet l'expédition d'un groupe d’enfants, candidats à la Confirmation, se rendant sur le Prater où leurs parrains leur offrent une promenade en fiacre. Leur excursion se termine dans la boutique d’un pâtissier où les enfants sont autorisés à se gaver de gâteaux à la crème. La réduction à deux personnages reste fort parallèle à l'action du libretto, et la personnalise davantage, ce qui se révèle efficace. Les décors de Kaspar Glarner et Marco Brehme sont essentiellement constitués de parallélépipèdes mobiles géants, aux dessus glacés, et dont les côtés évoquent les couches de bavarois (chocolat, moka, pistaches et fruits divers). Les danseurs s'y pourront ou alanguir. Les danseurs de massepain, de brioche ou de pain d'épice sont costumés en grooms aux uniformes parme ou bordeau et en serviteurs de grands hôtels, les danseuses ont des robes assorties aux tenues des grooms. On peut supposer qu'on a voulu là représenter la panoplie des goûts et des saveurs qui entrent dans la composition des délices pâtissiers. Karl Alfred Schreiner crée de beaux ensembles de quatre ou cinq danseurs qui s'agrippent les uns les autres pour former des ensembles qui se meuvent en des mouvements à l'harmonie disloquée qui expriment peut-être les combinaisons  des saveurs, ou, lorsque ces groupes enserrent le neveu, l'action de ces aliments trop riches sur le corps trop avide de l'enfant. On ne reconnaît pas toujours les personnages voulus par Strauss, mais l'atmosphère générale d'une pâtisserie ensorcelée dont les gâteaux se sont animés est bien rendue, ainsi que la détérioration de l'état de santé de l'enfant de plus en plus intoxiqué par l'absorption massive de sucreries. On vit de beaux moments de danse et de pantomime, comme cette danse des pralines dans leurs coupelles de papier d'où sortent des danseuses pralinées qui suggèrent parfois la complexité de leurs compositions par des caresses érotiques, sans doute les premières pralines lesbiennes de l'histoire de la danse. La fin du premier acte est de plus en plus chaotique, les grands gâteaux rectangulaires, les biscuits surdimensionnés et les danseurs s'entrechoquent pour le final de cette catastrophe gastronomique programmée. L'enfant est malade d'indigestion et doit être transporté à l'hôpital.

A cette première partie de plus en plus animée succède une seconde partie plus calme et analytique, avec une chorégraphie souvent plus statique. On est transposé en milieu hospitalier, avec ses grandes lampes à réflecteurs blanches et son personnel médical qui communique anamnèse et diagnostic par le truchement de gestes saccadés. L'enfant passera par les délires de la maladie et développe d'étranges visions de dédoublement avec des effets miroirs puis de démultiplication. La scène se peuple alors de danseurs dont les vêtements et les coiffures reproduisent ceux de l'enfant. La tante se transforme en une figure léonine à la coiffure en forme d'énorme crinière. Au final, des machines placées sur le muret du fond de scène vomissent des flots de mousse qui envahissent progressivement tout le carré de la scène, et le spectacle se termine par une gigantesque mousse-partie. Des danseurs tout de blanc vêtus et l'enfant plongent, se vautrent et disparaissent dans les flots blancs d'une immense chantilly. Un couple de peut-être mariés exécutent un pas de valse sur les bords du muret qui encadre un océan de crème fouettée, l'autrichienne Schlagobers. 

Trailer



Agenda 

Représentations les 14, 16, 17, 19, 20 et 21 décembre. Réservations en ligne: cliquer ici, puis sur la date souhaitée.

Post de présentation sur le sujet: cliquer ici

Crédit photographique: Marie-Laure Briane




vendredi 12 décembre 2014

Le rococo munichois. Corps et âme. Une grande exposition à la Hypo-Kunsthalle.


Johann Baptist Straub (1704–1784)
L'archange Raphael, vers 1767,  ca. 200 cm. 
Eglise St. Michael, Munich-Berg am Laim, 

CORPS ET ÂME
Le rococo à Munich de Asam à Gunther.  
Du 12 décembre 2014  au 12 avril 2015

Au 18ème siècle, Munich et la Bavière ont connu un âge d'or avec l'explosion du rococo, un art dont les oeuvres ont exprimé à la fois la piété et l'enjouement dans le raffinement des formes et des couleurs: l'esthétique du rococo a été développée avec une vitalité extraordinaire par des artistes au sommet de leur art,  qui sont parvenus à exprimer leur foi en combinant une élégance au raffinement paroxystique et une gaieté non dénuée d'esprit facétieux.

LES VISAGES DE ROCOCO

La Hypo-Kunstahlle en collaboration avec le Musée diocésain de Freising nous offre en cadeau de fin d'années une rétrospective complète consacrée au rococo munichois. L'exposition présente de nombreux artistes exceptionnels qui ont vécu à Munich entre 1720 et 1770 et dont les travaux ont eu une profonde influence sur le rococo: les frères Asam, Cosmas Damian Asam (1686-1739) et Egid Quirin Asam (1692-1750), Johann Baptist Straub (1704-1784), Franz Anton Bustelli (mort en 1763) et Ignaz Günther (1725-1775). L'exposition rassemble environ 160 de leurs chefs-d'œuvre, essentiellement des oeuvres sculpturales et picturales, de nombreuses sculptures sur bois ou faites d'autres matériaux comme le stuc, l'argile, la porcelaine et l'argent, des peintures, des dessins et des gravures, et quelques pièces extraordinaires d'orfèvrerie.


Franz Xaver Schmädl (1705–1777), 
Putto avec parure de plumes,
Rottenbuch, 
Pfarrkirche Mariä Geburt

L'exposition s'intéresse d'abord à la notion d'art baroque qui conçoit l'architecture, la peinture, le stuc et la sculpture comme un tout, et propose en suite un parcours chronologique à travers le développement du rococo munichois: depuis Straub, le père fondateur, en passant par le point culminant des figures monumentales de Günther, jusqu'à Boos Anton (1733-1810), dont les travaux préfigurent l'art émergent du classicisme. D'importantes questions comme celles des techniques picturales ou de l'art de la dorure utilisés en sculptures,  et celle de leur intégration architecturale sont également abordées.

Une expérience de proximité

L'exposition permet aux visiteurs de vivre l'expérience unique de la proximité avec des oeuvres qu'on ne peut le plus souvent voir in situ qu' avec un certain éloignement. On a l'occasion d'y voir réunis des chefs-d'oeuvre qui sont dissiminés dans des églises, des châteaux, des musées de Bavière et d'Allemagne. Nombre des pièces présentées ont été sorties de leurs églises ou de leurs monastères pour la première fois. 

Un catalogue richement illustré (en allemand), publié par les éditions Sieveking de Munich, accompagne l'exposition (35 €). 

Crédit photographique: Thomas Dashuber/ © Diözesanmuseum Freising

Plus d'infos et source du texte: Hypo-Kunsthalle

mercredi 10 décembre 2014

Le Ballet national bavarois nous fait redécouvrir Paquita, un grand ballet romantique français


Le ballet pantomime Paquita a été dansé pour la première fois en 1846 à Paris. Il s'agissait d'un ballet romantique français, chorégraphié par Joseph Mazilier sur une musique d'Edouard Deldevez. Marius Petipa a ensuite exporté l'oeuvre en Russie. En 1847, il en crée une nouvelle version à Saint-Pétersbourg au Théâtre Bolchoï Kamenny, qu'il reprend à Moscou l'année suivante. Devenu maître de ballet à Saint-Pétersbourg, il remanie le « pas de trois » du 1er acte, commande des rajouts (dont le « grand pas ») à Léon Minkus et en donne ainsi une autre version, considérablement élargie,  à Saint-Pétersbourg, en 1881. A survécu jusqu'à aujourd'hui seulement le dernier acte (le 'grand pas'), un grand divertissement festif sur de la musique de Ludwig Minkus. 

Grâce à la redécouverte et au décryptage de précieux documents de la période Petipa, grâce au travail d'une équipe de musiciens aini que d'un des chorégraphes classiques les plus populaires de notre temps, le Paquita historique a été ressuscité dans toute sa beauté et sera présenté au public pour la première fois le 13 décembre par le Ballet national bavarois. 

Le chorégraphe Alexei Ratmansky s'est offert le luxe de s'effacer entièrement au seul profit de  la reconstruction de l'ouvrage. Il a travaillé en étroite collaboration avec Doug Fullington pour décrypter la notation Stepanov et parvenir à restituer la chorégraphie originale en redonnant toute sa place à la pantomime qui permet de comprendre la progression de l'intrigue et aux nuances de la danse classique de l'époque. On aura ainsi vraiment la chance d'assister à un grand ballet classique tel que le concevait le 19ème siècle. C'est à Jérôme Kaplan qu'a été confié le soin de restituer les décors et les costumes somptueux  des gitans et de l'aristocratie française et espagnole.

L'intrigue

L'intrigue prend place dans l'Espagne pittoresque du XIXème siècle, placée sous la domination napoléonienne. La narration rend gloire aux campagnes militaires du Premier Empire et fait écho aux sensibilités de l'époque, alors marquées par les voyages des peintres et des écrivains français en Espagne. 

Dans la province de Saragosse, occupée par les armées napoléoniennes, Paquita, une jeune fille de noble famille, a été enlevée dans son enfance par des gitans, alors que ses parents ont été assassinés. Elle grandit parmi les gitans sans rien savoir de son origine. 15 ans plus tard, une stèle commémorative est érigée par le frère du père défunt de Paquita, le général français d'Hervilly, qui dirige les forces d'occupation. La Gouverneur de la province,  Don Lopez de Mendosa, assiste à la cérémonie, de même que Lucien, le fils du général français. Lors du bal qui clôture les cérémonies, la troupe  de gitans donne une représentation avec Paquita comme danseuse étoile. Lucien tombe amoureux de Paquita, et le coup de foudre est réciproque. S'en suit une intrigue politique et personnelle qui connaît un heureux dénouement. Les méchants, Don Lopez et le chef des gitans, Inigo,  sont arrêtés,  tandis que Paquita, découvrant le secret de sa naissance, peut épouser son cousin Lucien.

Agenda

Alexei Ratmansky / Marius Petipa
Paquita

Première le 13 décembre 2014.
Ensuite les 16, 18 et 30 décembre 2014.
Les 2, 8, 9 et 11 janvier 2015
Le 25 avril 2015
Les 16 et 23 mai 2015
Et le 4 juillet 2015.
au Théâtre national de Munich.

Le 11 janvier, la représentation sera retransmise gratuitement sur  internet sur la 

Réservations  en ligne: cliquer ici puis sur 'Karten' en regard de la date choisie.

Crédit photographique: Wilfried Hösl